Description
L'étude des 137 arcs longs retrouvés dans l'épave du navire Mary Rose, coulé en 1545, a permis d’enrichir la connaissance de cette arme. Il s'agit d’un arc simple, façonné d’une seule pièce dans de l'if, bois dont les qualités intrinsèques font qu'il se comporte comme un arc composite. D’autres bois de substitution (par efficacité décroissante : orme, frêne, noisetier, voire chêne) peuvent être utilisés, mais au prix d’une perte notable d’efficacité. Il mesure entre 1,70 m et 2,10 m. Sa section est circulaire au niveau de la poignée et en forme de D aux extrémités. Les largeurs sont de 1,8 à 3 cm en tête de branche, de 3 à 4 cm en milieu de branche et de 5 à 6 cm au niveau de la poignée. La forme de l’arc devant suivre les nervures du bois, l’arc peut parfois avoir une forme bosselée (l’efficacité primant sur l’esthétique). Il ne comporte pas de repose flèche : en position de tir, celle-ci repose sur la main d’arc de l’archer.
L’arc en if présente cette particularité paradoxale d’être un arc simple, façonné dans un matériau d’une seule pièce, tout en se comportant comme un arc composite. En effet, l’if est mis en forme de telle sorte qu’il comprend une partie d’aubier (au dos) et une partie de cœur (ventral), le duramen. L’aubier travaille en extension et le cœur en compression. Leurs propriétés se complètent et confèrent à cette arme des qualités balistiques bien supérieures aux arcs simples tirés d’autres essences.
À partir du début du XIVe siècle, le longbow est équipé d’extrémités en corne dotées d’une échancrure où est fixée la corde. Ceci sert d’amortisseur et d’arrêt de corde et accentue la propulsion de la flèche. La fabrication de l’arc demande environ une journée de travail.
La corde est un élément noble tissé en chanvre et parfois en soie. Son coût compte pour la moitié du coût total d’un arc. Elle est cirée pour être prémunie contre la pluie. D’après les encoches des flèches trouvées sur l’épave de la Mary Rose, on déduit que la corde devait mesurer environ 3,2 mm de diamètre.
La fabrication des arcs, des flèches et des cordes d’arc était du ressort d’ouvriers spécialisés, qui bénéficiaient de franchises fiscales et même de remises de dettes.
Performances
Considérations mécaniques
Coupe de bois : l’aubier (plus clair en périphérie) est plus extensible que le duramen (sombre au centre) plus résistant à la compression.Pour obtenir un arc puissant, il faut utiliser un bois nerveux, car la vitesse d’expulsion de la flèche est proportionnelle à la rapidité avec laquelle l’arc reprend sa forme lors du tir. La surface faisant face au tireur est appelée ventre et travaille de manière concentrique (en compression), contrairement au dos qui est face à la cible et travaille de manière excentrique (en étirement). Le bois utilisé doit donc offrir la meilleure résistance à ces contraintes de compression-extension. On utilise pour ce faire la différence de structure entre l’aubier (les cernes extérieurs plus jeunes et plus tendres) et le duramen (les cernes les plus centraux, très durs et très résistants à la compression). Dans le cas d’un arc non composite comme l’arc droit anglais, l’aubier, plus élastique, forme le dos de l’arc et le duramen, plus résistant à la compression, est utilisé comme ventre.
L’if est le bois cumulant le plus grand nombre de qualités nécessaires à la réalisation d’un arc puissant et résistant. Ses fibres de lignine ont un agencement qui leur confère une grande élasticité (en spirales orientées à soixante degrés par rapport à l’axe de la branche, ce qui leur permet de s’étirer en cas de travail excentrique). Il pousse très lentement et ses cernes sont très fins et rapprochés, ce qui divise d’autant le déplacement dévolu à chaque fibre : plus les cernes sont petits, plus le bois est résistant et nerveux. Il a peu de nouures et est dénué de poches résinifères qui représentent autant de points de fragilité potentiels. Enfin, il est imputrescible, ce qui, avec ses qualités de résistance, lui confère une grande durée de vie. Il a par contre le défaut d’être toxique (et dangereux pour l’élevage) et a donc été souvent abattu, ce qui en fait un bois rare dont les qualités sont encore améliorées s’il pousse lentement, ses cernes étant alors d’autant plus serrées (les meilleurs exemplaires poussent en altitude et sur un sol pauvre). Les Anglais en importèrent (principalement d’Italie, mais aussi de France et d’Espagne). Richard II et Charles VII en firent planter.
D’autre part, plus l’arc est long, moins il se courbe quand on l’arme et moins il risque d’atteindre ses limites d’élasticité. On peut potentiellement le contraindre davantage, gagnant alors encore en puissance. C’est pourquoi l’arc anglais est particulièrement long : il se déforme moins, donc il perd moins ses caractéristiques avec le temps, risque moins de se briser et gagne encore en portée.
Grandeurs physiques
La puissance d’un arc se mesure en livres pour 28 pouces d’allonge (71 cm), correspondant à une masse qu’il faudrait attacher à la corde d'un arc horizontal pour la tendre d'autant. Il s'agit en physique d'une force et non d'un poids. Traditionnellement toutes les mesures d'archerie sont en mesures impériales. Pendant la guerre de Cent Ans, où les archers étaient particulièrement entraînés, les arcs nécessitant pour être bandés une force de 120 à 130 livres (soit 530 à 580 newtons ou 50 à 60 kilogrammes-force) étaient particulièrement répandus : les arcs retrouvés sur la Mary Rose nécessitent une force de 80 à 180 livres (350 et 800 newtons).
La vitesse des flèches est initialement d’environ 55 m/s (200 km/h) et chute à 36 m/s (130 km/h) à 200 m. Pour une flèche de 70 grammes l'énergie cinétique initiale à cette vitesse est de l'ordre de 110 joules, et la quantité de mouvement de 3,9 kg∙m∙s-1, ce qui équivaut à une impulsion de même valeur fournie par tireur soit 3,9 N∙s (Newtons.seconde). Le temps d'impulsion peut être estimé à 0,025 secondes (0,71 mètre parcouru à la vitesse moyenne de la moitié de la vitesse finale, soit 27,8 m∙s-1) et la force moyenne appliquée à la flèche pendant cette impulsion de 155 Newtons. La puissance développée par l'arc pendant le tir est de l'ordre de 4 200 Watts.
Portée
Leur portée est estimée entre 165 et 228 mètres, bien qu’une réplique d’un des arcs trouvés à bord du Mary Rose ait tiré une flèche de 53,6 grammes à 328 mètres et une flèche de 95,9 grammes à 249,9 mètres,. Les flèches sont cependant incapables de percer une armure de plaques à cette distance. Elles sont efficaces contre les cottes de mailles quand la distance est inférieure à 100 mètres et contre les armures de plaques en deçà de 60 mètres.
Origines
L’arc long aurait été connu en Écosse dès 2000 avant J.-C., mais il a été introduit au Pays de Galles lors d’un raid viking en 600. Les premières traces d’utilisation de cette arme par les Gallois datent de 633. Osric, neveu d’Edwin, roi de Northumbrie, fut tué par une flèche tirée d’un arc long gallois durant une bataille contre les Gallois, presque six siècles avant son attestation en tant qu’arme militaire en Angleterre.